Aventrure écriture #4 : Bérézina pour une plume

écrivain Arthur Constance, portrait

Aventrure écriture #4 : Bérézina pour une plume

Dans le chapitre précédent, je vous avais relaté mes rutilants déboires commerciaux, durant lesquels, de déroute en fiasco, chacune de mes tentatives de promotion s’étaient soldées par un naufrage, et où, voguant au rythme de la vague, haut dans les échecs, bas dans les victoires, je m’accrochais avec toute la force de l’espoir à chaque lumière au loin, étoiles ou phares, mirages dans la nuit noire d’un désert océan sans fin.

Sachez, cher lecteur, que je ne vous ai raconté que la moitié de mes erreurs, car je n’étais pas uniquement commercial. J’étais d’abord et avant tout un écrivain. Un écrivain au chômage, qui ne se trompe pas à temps partiel, non non ; l’échec est bien plus beau à temps plein.

Sommaire

Un roman éclos dans l’œuf

Ou dans le bain avec un bébé écrivain, ou ailleurs aujourd’hui ou hier, je ne sais plus.

Alors oui, je n’ai pas uniquement passé mon année à me casser les dents sur la commercialisation de mon premier livre. J’ai aussi commencé l’écriture d’un roman. Au début c’était facile, j’ai profité d’un challenge d’écriture (le Nanowrimo) pour me donner de l’entrain.

Le Nanowrimo est un challenge d’écriture qui consiste à écrire 1000, 1500, 2000 mots par jour, en fonction de ses objectifs, pendant un mois. Si tout se passe bien, les participants avancent beaucoup, voire terminent, leur premier jet de roman à la fin du challenge.
L’idée vient des États-Unis, il n’y a rien à gagner hormis l’émulation d’y participer en même temps que beaucoup d’autres écrivains.

Je me suis dit que cette petite dose de motivation ne me ferait pas de mal.
Je me suis dit que ce serait une bonne idée d’y participer.
Je me suis trompé.

C’est américain, j’aurais dû me méfier…

La plume au bout du fusil, de la fleur, non de la plume !

La fleur au bout de la plume, je m’embarquai dans l’aventure. Tranquille, ça va être facile, c’est comme écrire une grosse nouvelle, ou plutôt ; c’est comme si chaque chapitre était une nouvelle. Et j’avais l’habitude des nouvelles. J’étais là : « t’inquiète Arthur, ça va bien se passer. »

Sauf que non.

Un roman n’est pas une grosse nouvelle.
Un chapitre de roman n’est pas une nouvelle non plus.
Rédiger un chapitre par jour m’est impossible, au mieux j’arrive à écrire 1000 mots (et encore…).

Bref, j’ai rushé (écrit rapidement) mes chapitres en suivant un plan établi préalablement. Sur le coup ça me semblait être une bonne idée, d’autant plus que cette technique est souvent prescrite par les romanciers professionnels ou dans les vidéos et podcasts de conseils d’écriture.

Ça fonctionne sûrement pour eux.
Moi je me suis retrouvé avec un premier jet en carton. À peine écrit, sans queue ni tête.

Normalement ce n’est pas grave, lors de la réécriture tout s’arrange. D’ailleurs, j’ai travaillé de cette façon sur certaines nouvelles, donc la technique fonctionne.
Mais là rien à faire.

Heureusement, je me suis aperçu assez rapidement (au bout de 15 jours) que quelque chose ne fonctionnait pas, mais sans savoir exactement quoi. Ça, il m’a fallu plus d’un an pour le comprendre.

Au milieu du Nano, donc, je changeai ma plume d’épaule, et plutôt que d’écrire à fond tout le roman, je décidai de me donner un an pour en avoir une deuxième première mouture.
Ce choix me semblait plus judicieux compte tenu de mes autres impératifs : finalisation de mon premier livre puis création d’un site internet et apprentissage du web marketing.

Un an c’est une bonne durée, je l’ai souvent utilisée pour planifier mes projets les plus ambitieux.

Sauf que mes projets les plus ambitieux étaient toujours relativement courts : réalisation de courts métrages ou écriture du recueil de nouvelles (moins de 200 pages).
Un roman c’est autre chose, c’est plus vaste, ça a plus d’envergure…

Clopin-clopant, écrivain écrivant

Alors, à petits pas, j’ai recommencé à écrire. Parfois les phrases étaient travaillées, parfois il n’y avait qu’un plan, qu’une idée en forme de paragraphe posé sur la feuille sans plus de développement.

J’ai continué de suivre le plan du roman.
Je l’ai développé, modifié un peu, puis beaucoup.
Et cette deuxième version ne ressemblait plus du tout à la première.

Même chose pour les personnages.

À force d’être avec eux, je commençais à les connaître comme des amis.
Mais plus je les connaissais, et plus il me semblait difficile de les diriger, de les appréhender.

C’était léger, à peine une impression, mais elle revenait régulièrement, comme une fausse note dans le refrain d’une chanson.

Qu’importe les dissonances, j’ai continué jusqu’au bout. Il me fallait absolument cette première version, tous les écrivains étaient formels : terminer son premier jet est primordial. Alors j’ai fait la sourde oreille, j’ai écrit.
Et ça a marché.

Une écriture sans repères

Le nord ou le sud, suivant comment on est tourné ça change tout

Bon, j’ai beaucoup simplifié. En vrai, je me suis d’abord concentré sur les dix premiers chapitres, puis j’ai écrit l’intégralité du premier jet, puis je suis revenu sur les premiers chapitres.
Pour écrire cet article, j’ai dû chercher les dates de création des fichiers pour retrouver l’ordre dans lequel j’avais travaillé.
Mais passons. Au bout d’un an, j’avais (enfin) une première version.

Une version avec des fausses notes.
Je crois qu’en Jazz, on les appelle des « notes bleues ».
Certains musiciens disent aussi qu’une fausse note jouée avec conviction devient une « interprétation ».

Interprétation ou pas, jazz ou pas, quelque chose clochait.

Peut-être que j’avais écrit mon plan trop rapidement ?
Peut-être que l’histoire n’était pas équilibrée ?
Peut-être que les personnages n’étaient pas vraisemblables ?
Peut-être que…

Un plan pour sortir de la prison des doutes

Malheureusement (ou pas) ce genre de plan n’existe pas.
Mais concernant la dissonance, j’ai fini par comprendre (il y a peu de temps) le problème.

Comme je vous le disais, je suis parti en écriture la fleur au bout de la plume avec un plan dans la musette.
Un plan probablement un peu trop rigide. Peut-être pas adapté aux personnages, ou plutôt : plus adapté aux personnages.

Écrire c’est passer beaucoup de temps avec des personnages fictifs. Des personnages inventés dans notre tête, mais qui au fil de la plume, au fil des péripéties, prennent une consistance quasi réelle. Ils deviennent des « amis imaginaires » dont on connaît les goûts, les réactions, les doutes, les failles…

Or, suivre un plan va parfois à l’encontre de la nature des personnages.
Les personnages sont têtus, ils veulent parfois suivre une autre voie/x.

Je sais que ce genre d’idée est étrange. Plus jeune, je pensais que les scénaristes, écrivains ou metteurs en scène, se la jouaient artiste sensible en racontant ce genre de chose en interviews.

En réalité c’est juste de la logique.
Un personnage froid et antipathique n’est plus vraisemblable en racontant soudainement des blagues ou en organisant une fête.
Ou alors la transition doit être expliquée, justifiée. De façon générale, tous les gestes des personnages doivent être cohérents, le fruit d’un enchaînement de causes et de conséquences. Or, en suivant un plan, le moteur des actions n’est plus la logique interne des personnages, mais la suite du plan.

Parfois, le plan est en accord avec les personnages.
D’autres fois non.
Et on entend une fausse note.

Comme une impression en majuscule

Il m’a fallu plus d’un an pour prendre conscience de mon erreur.
Et encore, pas tout seul…

Le pire, c’est que je m’étais déjà fait la réflexion, sans trop chercher à creuser.

Pendant l’écriture du recueil de nouvelles, il m’arrivait fréquemment de dévier du plan initial, de rajouter un paragraphe changeant totalement le sens de la nouvelle.
Je trouvais ça curieux, mais je suivais mon intuition, râlant un peu sur mon manque de « rigueur » ou de « fermeté ».
Je ne savais pas d’où ces intuitions venaient, mais je les suivais quand même, car elles me semblaient une sorte d’appel du texte. Les modifications et les ajouts se faisaient naturellement, sans que j’aie trop à y réfléchir.

Mais avec le roman c’est différent.
L’écriture est plus cérébrale.
Elle doit être beaucoup plus planifiée.
Une nouvelle tient facilement dans un cerveau, pas un roman (en tout cas pas dans le mien…). Il faut prendre des notes, gérer les ramifications, ne pas écrire « bleu » au chapitre 4 et « rouge » six chapitres plus loin.
Bref, ce n’est pas la même façon de travailler. Il n’y a plus d’espace pour la petite voix qui appelle un autre paragraphe.

J’ai écrit un plan et je l’ai suivi sans laisser de place aux personnages ou à mon intuition.

Où poser sa plume ?

Réussir à se laisser déborder par l’histoire, les personnages ; les laisser vivre leur vie… ne pas les trahir pour amener l’histoire où on le souhaite… C’est peut-être le seul devoir moral, la seule allégeance de l’écrivain.
J’en ai pris conscience il y a peu.
Et c’est plus dur qu’il n’y paraît !

Tout ça, au cours de l’année 2021, je ne le savais pas encore.
À l’époque, je m’étais astreint à une discipline quasi-militaire pour écrire tous les jours, boucler un premier jet et suivre mon plan narratif.
J’ai réussi, je suis allé au bout, j’ai gagné… une victoire à la Pyrrhus…

2021 s’est terminée, bilan :
– Je ne suis pas fier de mon premier livre (Cf : aventure écriture n°2)
– Le premier jet du roman n’est pas terrible
– Presque personne ne visite mon site (Cf : aventure écriture n°3)

Échec, échec, échec…
Et encore échec.

Cette année-là j’ai beaucoup raté, j’ai beaucoup appris.

À bientôt pour la suite
Arthur

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