J’ai entamé l’année 2021 dans un état proche de l’épuisement.
Accaparé par l’écriture (pas uniquement du recueil, je reviendrai dessus), j’ai négligé tous les autres aspects de l’existence, en particulier la santé.
Depuis plusieurs années, je traînais un vilain mal de dos dont je n’arrivais pas à me défaire. Je vous avais déjà évoqué quelques conséquences liées à la fatigue (irritabilité, difficulté de concentration…), mais en ce début d’année le mal a empiré. Je me réveillais complètement bloqué, parfois incapable de me pencher en avant.
Je devais faire quelque chose pour mon dos.
Je devais faire quelque chose pour mes livres.
Je devais faire quelque chose pour vendre mes livres.
Ce sera le sommaire de cet article.
Sommaire
La sainte santé avant les lettres
Plein le dos
Ça a commencé en 2018, à l’époque c’était épisodique, je ne m’inquiétais pas. Pendant un an j’ai laissé traîner, je faisais un peu de sport alors j’interprétais les douleurs comme de simples courbatures…
Un an plus tard ça devenait sérieux. Comme je vous l’ai déjà expliqué dans le premier chapitre de cette série, le mal de dos me réveillait très tôt le matin, j’accumulais de la fatigue, devenais facilement irritable, moins concentré…
Bref, je décidai de consulter un médecin. Il m’envoya faire des radios. Mon dos allait bien, pas de problèmes.
Sauf que j’avais mal.
Il me prescrivit des anti-inflammatoires.
Et je n’en voulais pas.
Heureusement, à l’époque, j’habitais à Paris, et à Paris, il y a une école d’ostéopathie. Je voyais les ostéos comme des supers kinés. On y va une fois, et hop ! on est réparé. (oui-oui, je sais…) C’est une école, donc la séance n’est pas chère et ça permet au jeune praticien de se former, tout le monde est content.
Je vous épargne les détails, en résumé :
– Mon dos a fait « crac ! »
– J’arrivais à mieux tourner la tête.
– J’étais fatigué après la séance.
Mais le mal de dos était toujours là au petit matin.
C’était l’été, je préparais mon déménagement, j’ai mis mes problèmes de santé de côté.
Rebelote vers le bizarre
Une fois installé dans l’Aveyron, je me suis essentiellement occupé d’écriture. Sans patron, sans horaires fixes, je rattrapais mon manque de sommeil par de courtes siestes, mais ça ne fonctionnais pas très bien. Je n’aime pas les siestes, et j’avais toujours mal.
Alors je décidai de consulter.
Et comme j’avais déjà tenté la médecine classique, sans succès, je m’aventurai vers le bizarre.
Je suis allé voir un énergéticien.
Ça n’a pas marché.
Je suis entré dans une machine quantique de conception soviétique.
Ça n’a pas marché.
J’ai « désacidifié » mon corps.
Ça n’a pas marché.
J’ai fait une cure de citrons.
Ça n’a pas marché.
Cet enchaînement d’échecs n’était pas gratuit, et mes finances furent rapidement mal en point elles aussi.
Je laissai tomber le bizarre, les siestes c’était très bien, ça ne coûtait pas cher.
Mais à la fin de l’année 2020, j’étais épuisé…
2021
En cette nouvelle année donc, je décidai de (re)prendre ma santé en main. Il faut dire que mon dos était dans un sale état ; le matin j’avais parfois du mal à me lever tant j’étais bloqué.
Je pris rendez-vous chez un généraliste. Il me prescrivit un anti-inflammatoire homéopathique et des séances de Kiné.
Le médicament fut assez efficace, je sentais l’intensité des douleurs diminuer. Je sais bien que l’homéopathie est assez décriée, mais dans mon cas elle a fonctionné. Était-ce dû à un effet placebo ? Je ne sais pas.
J’ai récemment lu un livre qui explique le fonctionnement de l’homéopathie. En particulier comment le médicament agit malgré l’absence apparente de substance active. J’invite les curieux et les dubitatifs à le lire.
Bref, j’avais moins mal.
Pendant plusieurs semaines j’appris des exercices de kiné. Je devais effectuer ces exercices tous les jours, pendant une heure environ.
Et petit à petit, la douleur s’en allait. Elle s’évaporait lentement, elle prenait son temps. Je diminuais ma consommation d’anti-inflammatoire, j’avais de moins en moins mal, et au bout de quelques mois la douleur avait disparu. Un patient doit être patient.
Ma dernière séance de Kinésithérapie eu lieu le 21 juin 2021.
Le jour du solstice d’été
Le jour où je mis mon site en ligne
Et oui, en six mois, je n’avais pas travaillé qu’à mes exercices de Kiné.
Il faut sauver le recueil de nouvelles
La catastrophique catastrophe catastrophique
C’était une catastrophe !
300 livres avec une couverture trop bleue, trop floue et des pages blanches !!!
C’EST UNE CATASTROPHE !!!!!
Oui, à l’heure où j’écris ce billet, je me rends parfaitement compte du ridicule de ces angoisses.
Mon Dieu ! Un livre avec des pages blanches et pas crèmes, quelle catastrophe !
Bravo Arthur…
Sur le moment j’étais dégoûté.
Et j’avais beau être rassuré par tout mon entourage « elle est très bien cette couverture », « très jolie », « très réussie »… moi, je la trouvais ratée, et je ne voulais pas vendre un livre que je trouvais raté.
Oui… je sais… on ne juge pas svp.
Alors je me suis mis en tête d’imprimer une sur-couverture.
Pas bête la guêpe (ou folle ?).
J’ai demandé des devis.
Trop chers.
J’ai demandé d’autres devis.
Toujours trop chers.
Je me sentais bloqué. Et un soir mélancolique où je feuilletais mon livre avec l’espoir d’une inspiration salvatrice à ce catastrophique problème de couverture, mon regard tomba sur une des citations placées en début de nouvelle.
On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.
Charles de Saint-Exupéry, Le Petit Prince
Charles de Saint-Exupéry ? C’est bizarre ? Ça sonne bizarre…
Charles ?
Charles ???
Oh la boulette !!!
Cette nuit-là j’ai mal dormi.
Charles de Saint-Exupéry… la honte…
J’imprimai rapidement un erratum, mais le mal était fait. J’avais déjà distribué quelques livres à des amis, à la famille, à des amis d’amis. L’erreur était relativement discrète, ce n’était pas comme si j’avais écrit Kevin ou Brandon de Saint-Exupéry, mais quand-même, ce n’était vraiment pas sérieux…
Voilà ce que c’est que de vouloir aller trop vite !
Cette erreur eut quand même un avantage, elle me fit complètement oublier la couverture trop bleue et trop floue. En revanche, j’eus encore plus de mal à être fier de mon livre. J’envisageai de le réimprimer.
Idée stupide.
Mais elle me traversa quand même l’esprit.
Que faire ?
J’essayai de relativiser. Il y avait eu pire. Quand j’étais vendeur de journaux / livres, le gérant m’avait raconté une anecdote assez drôle.
Un nouveau livre était entré en rayon, un roman anglo-saxon récemment traduit en Français. Comme il était articulé en deux parties, le traducteur avait envoyé deux fichiers (partie 1 et partie 2).
Sauf que la maison d’édition s’était mélangée les pinceaux.
La première partie du livre était en Français, mais la seconde était toujours en Anglais.
Belle surprise pour les lecteurs.
Qu’est-ce qu’une petite coquille à côté de ce genre d’erreur ? Qu’est-ce qu’une couverture un peu floue, un peu bleue, à coté de ce genre de maladresse ?
Allez, je garde le cap !
Je continue la création du site internet, et je vends mon livre en ligne.
À la conquête du Web littéraire
J’avais un peu exagéré la dernière fois, quand je vous avais dit que je n’avais pas d’idée pour vendre mon livre.
En réalité j’avais quelques pistes :
- Vendre sur Internet (d’où l’importance du bureau de poste mentionné dans l’article précédent)
- Vendre dans les librairies.
Bon, ok, c’est pas le plan commercial du siècle, d’autant que je ne l’avais pas plus détaillé.
Quand on a la tête dans le guidon, on voit très mal la route.
Étape numéro 1 : construire un site.
Mon nouveau domaine
La création de site Web, je n’y connaissais rien.
Mais tout le monde disait que c’était facile.
Avec WordPress, n’importe qui peut avoir son site, et en plus c’est gratuit, et en plus il y a plein de tutoriels sur YouTube.
Bon, très bien, je me lançai à la fin de l’année 2020, et achetai un pack permettant la création d’une boutique en ligne sur wordpress.com.
Sur le coup ça me sembla bizarre, car je le pensais gratuit. Mais non, l’offre gratuite ne permettait pas de vendre en ligne…
Je regardai des Tutoriels, on y parlait de plug-in, de thèmes à installer : Astra, Ocean WP, Elementor etc.
Je ne les trouvai pas…
Je regardai d’autres tutoriels, et… je me rendis compte que je me m’étais trompé de plate-forme.
J’avais acheté un produit sur wordpress.com, au lieu de wordpress.org.
Ça commençait mal.
Heureusement, je pus annuler ma commande et être remboursé.
Je ne vous fais pas la liste, mais des erreurs dans ce genre, j’en ai fait des dizaines.
J’avais énormément de lacunes. Quand j’ai entrepris la création de ce site, la différence entre un nom de domaine et un serveur n’était pas claire…
Mais je me suis formé.
J’ai appris, j’ai testé, je me suis trompé, j’ai recommencé.
(Pour ceux qui sont en train de créer leur site, je vous conseille le site et la chaîne YouTube : wp marmite)
Et au bout de six mois.
Le 21 juin 2021.
En rentrant de ma dernière séance de Kiné.
Tadam !
Le site était en ligne !
Alors évidemment, deux secondes après la mise en ligne, je cherchai mon site sur Google.
Et évidemment, je ne le trouvai pas.
Je finis quand même par le dénicher au bout de quelques jours, en septième page de Google…
Qui me chercherait si loin ?
Vendre mon livre allait être compliqué.
Très compliqué.
Beaucoup plus compliqué que prévu…
Devenir numéro 1
Arriver premier quand on tape mon nom : voilà mon nouvel objectif.
Alors je publiai des articles, ajoutai des pages, j’améliorai le site, le rendis plus agréable d’utilisation…
Bref, là encore, je regardai des tutoriels.
Je passai en page 5, puis 3 puis 2 et enfin : Première page !
Tout en bas.
Puis à nouveau en page deux (tout en haut), et à nouveau en bas de la première page, etc
Pas la peine de vous faire un dessin : je stagnais.
Mais ce n’était pas mon plus gros problème.
Quand bien même je serais tout en haut de la page de recherche, si personne ne tapait mon nom dans Google, ma bonne position ne servirait à rien.
Je devais donc me faire un nom.
Pour cela, je contactai un site d’actualité littéraire et leur proposai un article en lien avec des billets déjà publiés sur mon site (ceux sur les Barbares de Baricco)
L’article fut accepté, publié, il rencontra un certain succès (plus de 1000 partages), et mon site fut visité à de nombreuses reprises.
Mission accomplie !
Sauf que non.
Je ne vendis pas un seul livre…
Je décidai de faire de la publicité sur Google et Amazon pour attirer de potentiels lecteurs vers mon site.
Ça coûta cher.
Et là encore, pas une seule vente.
Ce n’était pas normal, j’avais forcément commis une erreur.
Mais où ???
La confiance
Je n’étais pas connu, personne, un anonyme.
Et si je me souviens bien, à l’époque, il n’y avait même pas de photo de moi sur le site.
Il n’y avait pas non plus d’avis de lecteur, aucun retour, rien, le vide.
Alors j’envoyai mon livre à la presse.
Sans succès, je ne reçus pas la moindre réponse.
Sur Instagram, je contactai des critiques susceptibles d’être intéressés par mon livre.
Quelques-uns me répondirent, je leur envoyai le recueil de nouvelles, non sans appréhension.
En dehors de mon cercle proche, ils étaient les premiers à le lire.
Les jours passèrent…
Je m’inquiétais…
Mais finalement je reçus les premiers retours.
Des critiques positives !
Sauf que…
Le désert et la plume
J’avais essayé de vendre mon livre pendant un an tout entier.
J’avais essayé la vente en ligne, sur mon site, sur Amazon, j’avais même payé de la publicité.
Désespéré, j’avais distribué des marque-pages à la médiathèque de Rodez, j’avais fait le tour des librairies pour proposer mon livre en dépôt.
J’imagine que les marque-pages n’ont pas donné envie.
Sur le rayon du seul bureau de tabac qui l’a accepté, mon livre a pris la poussière.
Et au bout d’un an, le bilan est catastrophique.
- Hors mon cercle familial et amical, je n’ai pas vendu un seul livre.
- Ma situation financière est à l’image de mes ventes.
- À vouloir jouer les écrivains solitaires, je me suis complètement isolé. Je vis dans une grotte depuis deux ans, et ma vie sociale est à l’image de ma situation financière.
Est-ce que je suis en train de devenir un artiste maudit ?
Ça ne devait pas se passer comme ça. Mon virage littéraire m’avait conduit vers un désert dans lequel je m’enlisais, et sans la moindre oasis à l’horizon. Parfois quelques mirages en forme d’espoir surgissaient au loin ; la publicité, le marketing d’influence… promesses de réussite, nuages de fumée.
Alors les doutes envahirent l’espace. Tout quitter, écrire seul…
N’avais-je pas fait la plus grosse erreur de ma vie ?
N’était-il pas plus sage d’arrêter ? Chercher un emploi stable et écrire à coté, sur mon temps libre, comme le font presque tous les autres écrivains ?
Peut-être que j’étais mauvais ?
Toutes ces questions bombardaient sans relâche mon esprit. Je les retenais, je les repoussais loin, de l’autre coté du désert, derrière les hautes dunes.
Mais tous les jours elles revenaient, tempête hurlante, terrible déferlement d’interrogations assassines.
Alors, accablé, croulant sous le poids des doutes, je pliai genoux. Je devais me rendre à l’évidence, j’avais échoué. J’avais essayé et j’avais échoué. Plume anonyme, écrivain sans lecteurs, le cimetière des artistes pleureurs m’ouvrait ses portes grinçantes.
Je sentais pourtant un changement depuis quelques mois. Un je-ne-sais-quoi dans l’air, une énergie ? une impression ? de l’auto persuasion ? un autre mirage ? peut-être que je devenais fou ? mais j’ai une bonne intuition. Je ne savais pas ce qu’il allait se passer, je ne savais pas comment ni pourquoi, mais cette année j’allais réussir quelque chose.
La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent !
Albert Einstein
Oui, peut-être que je devenais fou
Mais je le sentais.
Je le sentais dans mes tripes.
L’année 2022 commençait.
Je me fixai un ultimatum.
Si je n’avais rien vendu d’ici la fin de l’année, je laisserais tomber. Tant pis, la vie littéraire n’était pas pour moi, j’avais fait ce que j’avais pu, je n’aurai pas de regret.
Et puis c’était peut-être ça ma sensation, ce qu’essayait de formuler mon intuition ; j’allais peut-être réussir dans un autre domaine…
En attendant, pour mettre un peu de beurre dans les épinards, je cherchai un petit boulot alimentaire.
À suivre…